La réforme des rythmes scolaires du 1er degré dans les établissements privés sous contrat : quelles conséquences ?

Mercredi 20 février 2013

Les modalités d’application du décret dans le privé sous contrat et ses conséquences.

[!sommaire]

Les modalités d’application du décret dans le privé sous contrat

Cette réforme concerne-t-elle les établissements sous contrat ?

En droit, les établissements privés sous contrat n’auront pas à faire de demande de dérogation pour reporter d’une année l’application de la réforme des rythmes scolaires. En effet, ils ne dépendent pas de la décision du maire d’appliquer la réforme à la rentrée 2013 ou à la rentrée 2014. Selon le Code de l’éducation, les établissements sous contrat « organisent librement la semaine scolaire » et décident donc s’ils « souhaitent appliquer la réforme à la rentrée 2013 ou à la rentrée 2014 ». Chacune des écoles pourra donc décider « si elle souhaite appliquer la semaine des neuf demi-journées et déterminera les horaires d’entrée et de sortie de l’école. » (Page 20 du guide pratique du ministère [1])

Les établissements sous contrat peuvent-ils bénéficier d’une incitation financière identique à celle proposée aux établissements publics ?

Si un établissement sous contrat fait le choix d’appliquer la réforme à la rentrée 2013, il recevra, comme les établissements publics, une dotation de 50 euros par élève : « les écoles privées sous contrat seront concernées par le fonds au même titre que les écoles publiques ». En outre, « elles seront éligibles à la part majorée » si leurs communes reçoivent déjà la dotation DSU cible (Dotation de solidarité urbaine) ou DSR cible (Dotation de solidarité rurale) ou pour certaines communes d’outre-mer, soit + 40 € par élève, l’aide financière s’élevant, dans ce cas-là, à 90 € par élève. Ces communes pourront également bénéficier de cette aide à la rentrée de 2014 (elle sera d’un montant de 45 €) même si elles ont déjà bénéficié de celle-ci l’année précédente.

Le montant de la dotation sera calculé sur la base du nombre d’élèves scolarisés dans les établissements concernés quel que soit le nombre de ces élèves inscrits à des activités périscolaires.

Plusieurs difficultés se présentent alors, quelle que soit l’option retenue par les établissements :

  • Si les établissements sous contrat reportent la mise en œuvre de la réforme en 2014, ils n’en restent pas moins inscrits dans la vie de leur commune à plusieurs titres. Si leur commune a fait le choix d’appliquer la réforme dès 2013, de nombreux problèmes de garde vont se poser aux familles. Quid des enfants qui allaient en centre de loisirs dans les locaux des écoles publiques le mercredi matin ? Cette difficulté est renforcée par la multiplicité des communes d’origine des enfants scolarisés : une école à la porte de Paris devra conjuguer avec les choix de Paris et des communes limitrophes (Saint Ouen, Saint Denis, Pantin…)
  • Et si les établissements sous contrat décident de mettre en place cette réforme dès 2013, les conséquences seront contraires à l’esprit de la refondation. Elle produira :
    • Une dégradation des conditions de travail pour les enseignants suppléants : ces nouveaux horaires morcelleraient encore davantage leurs heures travaillées, avec un allongement du temps de présence à l’école, sans compensation financière, alors qu’ils ne touchent déjà que le SMIC et ont bien souvent déjà des temps partiels non choisis.
    • De grandes difficultés d’organisation dans les locaux  : les écoles sous contrat font souvent partie d’un groupe scolaire et partagent leurs locaux avec une maternelle, un collège, parfois un lycée (les cours de récréation notamment). L’harmonisation des horaires y est déjà souvent délicate ; elle deviendra encore plus complexe si les différents degrés n’ont pas les mêmes contraintes horaires.
      Lors d’une pause méridienne plus longue pour les élèves du 1er degré, toutes les activités nécessitant l’usage de la cour sont ainsi d’emblée exclues (le bruit perturbant les cours des collégiens).
    • Des inégalités dans la qualité des activités proposées : la dotation financière est insuffisante pour couvrir les frais des heures périscolaires (beaucoup d’écoles ont calculé qu’elles leur reviendraient plutôt à 100/150 € / élève). La différence sera-t-elle à la charge des familles ? Ou répercutée sur les frais de scolarité ? Une fois passée cette première année, aucune pérennisation de cette aide n’est prévue. On voit mal comment les écoles pourront faire face à cette dépense. Selon la localisation des écoles sous contrat, l’offre ne pourra pas être la même, aggravant, jusque dans le contenu du temps périscolaire, les inégalités. L’absence de corrélation entre le nombre d’élèves à partir duquel est calculé la dotation et le nombre d’élèves inscrits aux activités périscolaires permet d’imaginer qu’un équilibre financier sera cherché à partir de cette variable. Les écoles seront-elles tentées d’inciter les élèves qui peuvent rentrer chez eux à choisir cette option plutôt que de bénéficier des activités, puisque cela sera le seul moyen de parvenir ainsi à un équilibre financier ?
      Concernant les choix des activités périscolaires, on peut craindre que l’on retrouve, comme dans les établissements publics soumis à la tutelle municipale, les mêmes inégalités de qualité du contenu (golf à Levallois et crépon dans le 18e…)

Comme dans les établissements publics, cette réforme produira :

  • Une dégradation des conditions de travail des enseignants : même si le nombre d’heures travaillées reste le même, le temps de présence à l’école sera augmenté sans compensation financière (dans le cas ou les heures périscolaires seraient programmées lors de la pause méridienne par exemple, ou les concertations organisées le mercredi après-midi). En outre, dans beaucoup de communes, la difficulté que les chefs d’établissement ont à recruter des intervenants pour animer ces heures périscolaires permet d’imaginer que ce sont les enseignants (pas forcément volontaires) qui pourront être sollicités pour prendre en charge ces heures quand elles ne sont pas pourvues ou en cas d’absence de l’intervenant. Rien qu’à Paris, il faudrait recruter un millier d’intervenants en plus pour pouvoir assurer ces heures périscolaires. Sans compter qu’il faudrait former ces nouveaux animateurs pour assurer un périscolaire de qualité. On voit mal comment cela peut être fait avant la rentrée 2013.
  • Une dégradation des conditions de travail des animateurs : les plages horaires proposées par les écoles morcelleront leurs heures travaillées sans aucune compensation financière.
  • Une augmentation du temps de présence à l’école des élèves : même si l’emploi du temps de la journée est organisé autrement qu’autour des apprentissages, beaucoup d’élèves devront continuer de rester à l’école jusqu’à 18 h 00, à quoi s’ajoutera la matinée du mercredi. En cas d’absence non remplacé d’un animateur, sa pause méridienne ou sa fin de journée sera démesurément allongée en « récréation » et on sait que les risques d’accidents sont alors multipliés.
Nous nous déclarons donc :

favorables à une refondation de l’école et de ses rythmes scolaires à la condition qu’elle ne s’appuie pas principalement sur l’avis des chrono-biologistes, mais qu’elle se construise dans la concertation et dans le respect de tous les acteurs (enseignants, parents d’élèves, animateurs et intervenants extérieurs, centres de loisirs, associations sportives…)

Et nous réclamons donc, comme nos collègues des établissements publics :

  • un autre tempo pour la modification des rythmes scolaires !
  • l’abrogation du décret Peillon ;
  • l’élaboration dans la concertation d’un nouveau projet :
    • qui repense l’école et allège véritablement la journée de travail pour les élèves ;
    • qui ne rend pas les conditions de travail plus difficiles sans compensations financières pour les enseignants et les animateurs ;
    • qui tient compte de la réalité des équipements et des locaux disponibles dans les écoles.

Documents à télécharger

Revenir en haut