Projet de loi sur la « Sécurisation de l’emploi » : Mobilités

Tract thématique Solidaires n° 4
Mardi 16 avril 2013

Le projet de loi gouvernemental de « Sécurisation de l’emploi », est débattu début avril par les parlementaires. Il reprend quasi intégralement l’accord national interprofessionnel signé le 11 janvier 2013 par le MEDEF et les syndicats CFDT, CGC, CFTC. Présenté comme un accord « donnant-donnant », il consacre au contraire des régressions sociales majeures. Même le peu de mesures d’amélioration pour les salariés- es sont assorties de dérogations multiples. L’heure est à la mobilisation contre ces attaques inacceptables qui ne doivent pas acquérir force de loi.

La « mobilité » traître mot du MEDEF : une salarié-e jetable et recyclable !

  • L’ambition du projet de loi sur la mobilité est d’insécuriser le/la salarié-e dans la localisation géographique et la définition professionnelle de leur emploi. Le MEDEF veut en finir avec le CDI et ses dernières protections géographiques ou de reclassement. Le/la salarié-e doit être polyvalent, sans identité de métier ou d’unité de travail, et déplaçable dans l’entreprise, dans le groupe ou en externe. La mobilité « sécurisée » va permettre de faciliter les licenciements en demandant au salarié « volontaire » de se trouver un autre contrat « ailleurs ».

Les accords de mobilité interne

  • Avec le projet de loi, la mobilité interne entrera dans le cadre de la négociation GPEC ou sera l’objet d’une nouvelle obligation de négociation avec les syndicats dans les entreprises. La signature d’un accord (même minoritaire) avec les syndicats permettra la définition spécifique et dérogatoire de modalités sur les conditions de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise. Cette négociation, se substituant au code du travail, organisera à l’avance les possibilités de mobilité forcée qui pourront être utilisées par la suite si l’entreprise veut restructurer. L’accord ne prévoit qu’une restriction : pas de diminution du niveau de salaire ou de la classification du salarié. En dehors de cela, tout est permis !
  • Des formes d’accord mobilité ont déjà été mis en œuvre à grande échelle à France Télécom ou à Alcatel avec les résultats pathogènes de destruction des vies professionnelles, familiales et personnelles allant jusqu’au suicide. Avec cet accord, si des syndicats « consentants » signent un accord de mobilité, un-e salarié-e pourra être muté à 500 km ou bien même à l’étranger. Même à 20 km d’écart, avec les trajets c’est souvent toute une vie à réorganiser et autant de frais et de temps non rémunéré consacré au travail ! Le projet ne prévoit aucune garantie sur ces questions.
  • De plus, le refus par le/la salarié-e de cette modification dans les conditions définies par l’accord de mobilité entraînera son licenciement pour motif économique. Mais il s’agira d’un licenciement économique « individuel » échappant à la comptabilisation prévue au code du travail sur le nombre des licenciements, ce ne serait plus un licenciement collectif qui impose un plan de sauvegarde de l’emploi, avec des consultations du CE et des CHSCT, une procédure précise et suivant l’effectif concerné, un plan d’alternatives et d’accompagnement.
  • Actuellement, la situation n’était déjà pas glorieuse. Le lieu de travail était considéré comme un bassin géographique, et parfois au-delà via des clauses abusives (exemple de mobilité « France » et « Monde » rarement justifiée par le poste). De plus, le poste est considéré sous l’angle des critères de la grille de classification, souvent larges et abstraits, sans considération pour ce que le/la salarié-e considère comme déterminant dans ses tâches précises et son service d’affectation. Mais c’était encore trop, cette « forme » de protection du salarié empêchait le patron d’ « imposer une mobilité » sans s’exposer à une nouvelle comptabilisation en licenciement économique. La voie de la mobilité forcée est ouverte.

La mobilité volontaire sécurisée

  • Le dit nouveau droit à une période de mobilité volontaire sécurisée autorisera dans les entreprises de plus de 300 salarié-es et pour ceux/celles ayant 2 ans d’ancienneté une forme de « suspension » du contrat de travail, permettant une activité externe. A la différence du congé sabbatique la durée de cette mobilité externe est fixée de gré à gré sans plancher ni plafond. Elle aurait d’ailleurs pu se mettre en place en modifiant légèrement les modalités du congé sabbatique ou en élargissant le congé de création d’entreprise à d’autres projets.
  • Par commun accord de l’employeur et du salarié, un avenant au contrat de travail précisera la durée, les modalités de retour, le délai de prévenance (où le/la salarié-e devra informer de son retour). La durée de cette suspension terminée, si le/la salarié-e réintègre il/elle retrouve dans l’entreprise d’origine son emploi antérieur ou un emploi similaire, assorti d’une qualification et d’une rémunération au moins équivalentes. Si le/la salarié-e ne souhaite pas revenir dans celle-ci, le contrat de travail est rompu et cette rupture assimilée à une démission.
  • Le dispositif peut paraître intéressant pour le/la salarié-e. L’exemple des ruptures conventionnelles qui sont souvent des licenciements déguisés montre à quel point le patronat sait détourner des mesures de leur objectif, en poussant les salarié-es dans un dispositif prétendant le volontariat. D’ailleurs le texte de l’ANI dit ceci : « En cas de démission du salarié au terme de la période de mobilité (…) l’entreprise est exonérée, à l’égard du salarié concerné, de l’ensemble des obligations légales et conventionnelles qui auraient résulté d’un licenciement pour motif économique ».
  • Solidaires pense donc que cette mesure est surtout là pour être utilisée pour restructurer et se débarrasser du personnel indésirable en le harcelant jusqu’à forcer cette mobilité externe sous n’importe quel prétexte. Cette mise en « mobilité volontaire » utilisée déjà aujourd’hui dans nombre d’entreprise avec moultes phraséologies du type « projet personnel accompagné », « reclassement externe » et quelques primes, constitue aussi une source grave de pression et de stress menaçant souvent la santé au travail.

5 avril 2013

Voir en ligne : Source : Union syndicale Solidaires

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