Appel à la résistance contre le fichage de l’enfance

BASE ÉLÈVES : lorsque la consigne est liberticide, se révolter est un devoir !
Mercredi 14 décembre 2011 — Dernier ajout mardi 13 décembre 2011
  • Directrices, directeurs d’écoles qui avons refusé, refusons et refuserons de mettre en place le traitement automatisé de données à caractère personnel et nominatif Base Elèves,
  • Directrices, directeurs d’écoles ayant renseigné Base Elèves contre notre gré, suite aux pressions administratives et menaces de sanctions continuelles
  • Enseignantes, enseignants opposés au fichage de l’enfance,

Nous appelons à ne plus installer ou mettre à jour base élèves, à ne pas mettre en œuvre le livret personnel de compétences électronique (LPC), et à bloquer toute remontée de données nominatives.

Trois ans après notre premier appel, malgré le harcèlement administratif et les pressions incessantes que nous subissons au quotidien, malgré les sanctions qui se sont abattues sur beaucoup d’entre nous, et parce que la multiplication des fichiers dans l’Éducation nationale confirme malheureusement les craintes que nous exprimions alors, nous décidons de réaffirmer notre volonté de ne pas être utilisés comme acteurs premiers d’une traçabilité des élèves et d’un contrôle social de la population.

En effet, alimenter le fichier Base Élèves, présenté comme un simple outil de gestion par le ministère de l’Éducation nationale, est loin d’être un geste anodin. Outre qu’il fait sortir des écoles les renseignements personnels et souvent confidentiels que nous sommes amenés à recueillir dans l’exercice de nos fonctions, concernant les enfants, mais aussi leurs familles et leurs proches, il engendre automatiquement l’immatriculation de chaque enfant dans la Base Nationale des Identifiants Élèves (BNIE), en lui attribuant un Identifiant National Élève (INE). À terme, ce numéro unique suivra l’enfant pendant toute sa vie scolaire et étudiante, puis tout au long de sa vie professionnelle (loi relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie) ; il est la clé rendant possibles toutes les interconnexions avec les fichiers parallèles créés l’un après l’autre dans l’ombre de Base Élèves. Ainsi a-t-on vu réapparaître en 2010, sous forme du Livret Personnel de Compétences numérique (dont la généralisation est prévue), le fichage des compétences et des incompétences de chaque enfant, données qui avaient été retirées de Base Élèves par l’arrêté d’octobre 2008 après que le ministre de l’époque, Xavier Darcos, en avait jugé le fichage liberticide.

Les fichiers scolaires nominatifs informatisés et centralisés rompent avec les principes déontologiques du métier d’enseignant. La confidentialité et la maîtrise des données saisies ne sont plus respectées. Le pouvoir et la responsabilité de l’enseignant sur les enfants et les familles deviennent démesurés. Sans avoir besoin de rappeler les dangers d’internet et le fait que la sécurisation des données sera toujours illusoire, toutes les dérives sont possibles : contrôle social, traçabilité des individus, déterminisme, tri, classement et orientation automatique des élèves suivant des critères opaques, recherche d’enfants migrants, partage de données avec d’autres administrations, ventes de fichiers …

Aucune information nominative ne doit sortir de l’école. Les données qu’il faut conserver doivent être strictement anonymes, dans un cadre législatif soucieux des libertés individuelles et du droit à l’oubli dans notre ère numérique. C’est le sens de la demande du Comité des Droits de l’Enfant des Nations Unies qui recommande à la France “que seules des données anonymes soient entrées dans des bases de données et que l’utilisation des données collectées soit régulée par la loi, de manière à en prévenir un usage abusif.”

  • En tant que citoyens, nous ne pouvons accepter que l’État français, qui a pourtant ratifié la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, continue de refuser de mettre en œuvre ces recommandations.
  • En tant qu’enseignants, nous préférons respecter notre éthique professionnelle et notre morale personnelle plutôt que d’obéir à notre hiérarchie qui nous demande d’immatriculer nos élèves, de ficher leurs capacités et leurs incapacités, leurs bonnes et mauvaises attitudes. Nous ne pouvons accepter que l’administration de l’Éducation nationale rejette systématiquement les demandes d’exercice du droit d’opposition des parents au fichage de leur enfant, droit pourtant rétabli par le Conseil d’État. Ce déni met à mal les liens de confiance que nous construisons au quotidien entre les parents de nos élèves et l’école.
  • En tant que directeurs d’école, responsables des enfants qui nous sont confiés, nous ne pouvons considérer le fichage de mineurs comme une simple formalité administrative, nous ne pouvons accepter que ce fichage fasse désormais partie de nos missions.

Nous ne pouvons accepter que des enseignants soient sanctionnés pour refus de Base Élèves alors qu’ils sont reconnus comme Défenseurs des Droits de l’Enfant par l’ONU. Nous ne pouvons continuer à voir notre métier dévoyé et rendu potentiellement nuisible à nos élèves. Nous ne pouvons accepter le fatalisme qui accompagne l’avancée du rouleau compresseur du fichage de l’enfance. Notre responsabilité est grande. Sans notre concours, ce fichage devient impossible !

Parce qu’il ne suffit pas de s’indigner ponctuellement, – les signataires de ce texte réaffirment qu’ils bloqueront la machine en refusant l’immatriculation des élèves, en refusant d’alimenter et de mettre à jour le fichier Base Élèves, en refusant la mise en œuvre du Livret Personnel de Compétences numérique et toute transmission de données nominatives. – ils appellent l’ensemble de leurs collègues à faire de même pour combattre ce fichage en le dénonçant et en refusant d’en être les vecteurs.

Voir en ligne : Source : Collectif National de Résistance à Base Elèves

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